Les cabinets d’expertise comptable s’apprêtent à vivre le grand changement de la facture électronique. Pour mieux appréhender cette transition, nous avons réalisé une série d’interviews pour permettre aux cabinets comptables de partager leurs points de vue et leurs conseils bienveillants sur le sujet . Cette semaine nous donnons la parole Toufik ZAAMOU, Directeur des opérations chez Audit Finance Expert. 

Toufik, pouvez-vous nous présenter le cabinet ?

« Le cabinet Audit Finance Expert, existe depuis 1991, créé par Philippe FAGES (toujours en activité). Nous sommes un cabinet qui a pris tout de suite l’angle du monde de l’entreprise, avec une stratégie portée sur la spécialisation des métiers, la croissance externe et la répartition des richesses. Pour illustrer cette stratégie, en l’an 2000 nous avons séparé la comptabilité du social. Petit à petit, le cabinet est passé de 2 salariés à plus de 200 salariés aujourd’hui, le groupe a.f.e se présente comme étant « un acteur important de la vie professionnelle et personnelle de nos dirigeants. » Pour illustrer ce crédo, c’est plus de 8 services dédiés à nos 4 000 clients (comptabilité, marketing, gestion de patrimoine, juridique…). »

La réforme sur la facture électronique est en marche. Comment accueillez-vous le changement ?

« La réforme sur la facturation électronique a été repoussée d’un an, même si on peut s’interroger entre la promesse de la facture normée et la réalité à l’instar du guichet unique. Il est évident que cette réforme va bouleverser notre secteur. Plus de 60 % du chiffre d’affaires des cabinets est dédié aux déclarations et établissement des comptes annuels. Au delà de l’aspect « business model », il existe un vrai chamboulement à deux niveaux : au niveau des partenaires de production et au niveau de l’organisation interne.

Pour le premier volet, à l’heure où la bataille a longtemps été portée sur le monitoring, l’intelligence artificielle pour la reconnaissance et l’affectation des pièces. La facture électronique vient balayer l’ensemble des enjeux car il sera désormais beaucoup plus facile de lire et bien affecter les pièces que nous recevons.

En plus de bien affecter les pièces, la réforme va nous permettre d’améliorer considérablement la collecte des documents. Trop souvent oublié de la part de nos partenaires, l’une des pertes de temps les plus fortes sont celles de relancer nos clients pour obtenir les documents.

Sur le volet organisation interne, là aussi, même si les choses vont se faire en étape, il existera un chamboulement dans l’histoire des cabinets en France. On entend tous parler de la fameuse « période de TVA », cette période avec la réforme est censée tout simplement disparaitre, nous allons passer d’un « rôle de générateur de données, à un rôle de contrôleur de données« . Nous allons enfin pouvoir traiter des informations fraiches et pouvoir nous donner les moyens d’être enfin « copilote » de nos clients.

L’autre aspect sous-jacent dans l’organisation, est la place du conseil dans les cabinets. La réforme promet une concentration de « data » et va permettre à celui qui sait l’exploiter d’apporter un niveau de conseil rarement atteint. Je donne un exemple, il sera désormais possible d’analyser combien les entreprises de tel ou tel secteur achètent le litre de coca-cola et leurs offrir des comparatifs afin de les accompagner à mieux gérer.

En résumé, nous allons passer du traitement a posteriori, à un traitement proactif.

Je rêve de voir à l’aide de cette réforme, nos partenaires accélérer sur l’automatisation, l’optimisation et le reporting afin de nous permettre d’exercer le « sens » même de notre métier, c’est à dire, accompagner et conseiller.

Il faut sortir complétement de la production et j’espère que la réforme permettra aux technologies de pouvoir le faire car aujourd’hui sur le marché, il existe des avancées mais aucune révolution, soyons lucides. »

Avez-vous déjà établi une stratégie pour conduire le changement auprès des collaborateurs ?

« Nous avons lancé en interne une cellule dédiée qui est composé de 8 personnes et plusieurs métiers (l’informatique, la compta, le rh, le commercial et la direction). Cette cellule a pour objectifs d’aider à la communication interne, à la communication externe, d’étudier l’impact (positif ou négatif) sur le business model, d’étudier l’impact sur nos ressources humaines (nouveau profil, nouvelle organisation, nouvelle formation…). »

Avez-vous déjà établi une stratégie pour conduire le changement auprès des clients du cabinet ?

« Il faut savoir qu’en France, 40 % des TPE utilisent excel pour facturer, nous allons dans un premier temps s’efforcer à faire réduire ce taux grâce à la réforme qui va appuyer notre discours.

Concrètement, nous avons créés un livrable pour nos clients, une visio d’information avec l’ensemble de notre équipe tout métier confondu et un parcours de formation pour nos équipes. L’idée étant surtout d’informer. Une fois que les acteurs du marché seront prêts nous passerons ensuite à l’étape de la recommandation, et puis nous allons finir par l’accompagnement. »

Pour finir, un petit mot pour vos confrères ?